dimanche 20 mars 2016

Une victoire inespérée!


Quinze jours avant la Transgrancanaria, je décide, un peu sur un coup de tête, de m'inscrire au Trail du Ventoux. Je sais bien que ce n'est guère raisonnable, en termes de récupération ou de préparation pour le MIUT, mais une fois que j'ai ce projet en tête, rien n'y fait, j'y tiens absolument ! J'avais vraiment adoré le parcours en 2014 ; d'autre part, le fait que la course féminine soit très relevée me remplit d'enthousiasme et de motivation ! Bien sûr, je crains un peu de me faire laminer, sur un format rapide, avec des filles rapides, et en sortant d'un ultra, sur lequel j'ai orienté toute ma préparation hivernale. Mais depuis un an, j'ai pas mal travaillé sur mon ego et ma confiance en moi, et c'est donc sans nervosité ni appréhension que je fais route vers Bédoin dès le vendredi soir. Nous partons en Camping-Car, dans une belle ambiance puisque mon mari a amené un très bon copain avec lui, pour faire du VTT.
Samedi matin, pendant que les hommes partent pour un tour monstrueux à VTT, je vais randonner sur les crêtes du Ventoux avec ma chienne. Il fait beau, le paysage est magnifique, mais je constate qu'il reste beaucoup de neige ! 



L'après-midi, je tombe comme une masse pour une sieste de plus d'une heure : les Canaries ont laissé encore quelques traces apparemment :-)
Dimanche matin, je me réveille à 6h15 ; je pensais avoir une marge monstrueuse en mettant le réveil si tôt, mais finalement, je n'ai pas le temps de faire un échauffement aussi complet et aussi long que ce que j'aurais souhaité, compte tenu du fait que la course va forcément partir très vite ! Je me sens plutôt en forme, mais il fait un froid de canard ! Je regrette de ne pas avoir pris des petits gants fins.
8h05, top départ ! Cela part assez cool sur 500m, puis le rythme s'accélère sensiblement. Je suis rapidement distancée par Anne-Lise Rousset et Céline Lafaye… et un paquet de concurrents qui vont vite sur le plat. Certains soufflent déjà tellement fort que c'est un peu inquiétant, après 2 km de course !!
Dès que le chemin monte, je me sens plus dans mon élément. J'essaie d'éviter d'être en « mode ultra » et choisis plutôt le rythme « juste-au-dessous-de-l'asphyxie », ce qui est moins confortable mais gratifiant, puisque je remonte des wagons de concurrents… jusqu'à bientôt apercevoir Céline Lafaye ! 



Quelle surprise ! J'oublie toute prudence et la double, puis accélère pour tenter de creuser l'écart, passant de ce fait au mode « asphyxie complète » ! On nous annonce alors Anne-Lise à 25 secondes, ce qui est très rassurant. Je ralentis un peu, pour retrouver une allure plus confortable et fais surtout attention à avoir une foulée efficace et économique, dans ce joli single-track montant/vallonné, qui passe parfois en bord de falaise.
Bientôt, je me retrouve juste derrière Anne-Lise, puis la double, peu avant de rejoindre une piste descendante. Elle me repasse alors comme une fusée, me reprenant 300m en moins d'1 km ! J'admire sa foulée aérienne et légère. Mais voilà que survient une côte bien raide, qui me permet de la rattraper rapidement puis de la distancer.

S'ensuit une longue montée assez technique, avant de rejoindre la neige. Seule en tête, je peine à retrouver le goût de vraiment pousser la machine et je m'installe dans un rythme plus confortable, même si régulièrement, j'essaie de m'exhorter à accélérer, sans grand succès. Heureusement, des concurrents hommes m'entourent et c'est motivant. On rejoint une piste enneigée, que l'on emprunte sur 2 ou 3 km. Je n'avance pas, peine à trouver mes appuis, c'est très pénible. Heureusement, les organisateurs ont tracé un fabuleux sentier tout raide dans la neige : je m'y fait plaisir, le soleil brille enfin et la vue sur le sommet est incroyable. Encore un peu de piste enneigée (et ventée), et on rejoint le sommet. On longe sur 3-4 km l'arête sommitale dans la neige, c'est assez fastidieux. Je me fais doubler comme une bombe par Sangé Sherpa. Enfin, on atteint des sentiers plus secs en face sud. Je commençais à en avoir bien marre de courir un trail blanc !!


La suite de la course sera pour moi un grand moment de bonheur : de superbes descentes majoritairement monotraces, quelques courtes montées, toujours belles et, comme cela fait bien longtemps que j'ai quitté la zone d'inconfort respiratoire, je savoure le plaisir de courir, d'essayer d'aller vite et d'être économique.
Bientôt, on rejoint les coureurs du 26 km qui, globalement, font bien l'effort de me laisser passer. 


J'ai par contre la malchance d'être prise dans un bouchon à l'approche d'un tunnel qui passe sous la route. Personne ne veut me laisser passer, malgré mes protestations : c'est rageant de perdre une bonne minute à cause de cela, alors que tout au long de la course, j'ai tenté de gagner chaque précieuse seconde !!

Je finis enfin par m'extirper de ce tunnel et tente d'accélérer, pour rattraper le temps perdu. Une dernière petite montée/descente et puis c'est l'arrivée, en 4h30. Je suis vraiment contente de ce beau résultat, d'autant plus qu'il est inattendu. Bravo à l'organisation pour cette belle course, mais aussi à tous les coureurs qui, j'espère, ont pris autant de plaisir que moi à fouler les sentiers du « Géant de Provence ».

dimanche 6 mars 2016

Ma Transgrancanaria 2016



J'avoue céder un peu à la vanité en mettant cette photo que je trouve très belle! Merci Julien Chorier!



22h50, comme les autres coureurs, je suis tassée comme une sardine derrière l'arche de départ. J'éprouve soudain une certaine appréhension car ladite arche est très étroite et je crains de me faire pousser. Si je survis aux 50 premiers mètres de la course, je pourrai aborder les 125 km suivants avec une certaine confiance : je me suis bien préparée, mes problèmes d'anémie semblent momentanément résolus et surtout, j'ai une très grosse envie de courir ! J'ai même trouvé un assistant de choc, Javier Torrent. Quand le départ est donné, ça ne loupe pas, je me fais pousser plutôt brutalement ; j'ai aussi la surprise de voir tout le monde partir à fond. Au bout d'un km, une fois la côte atteinte les choses se tassent et je double toutes les filles et des wagons de coureurs. Je suis concentrée sur ma respiration et ma foulée, mon objectif étant d'être le plus détendue possible. Les premières heures de course sont pour moi un vrai bonheur : j'ai l'impression de dépenser peu d'énergie en courant, les sentiers sont beaux (enfin, ils semblent beaux car avec la nuit et la brume, on ne voit rien!), j'écoute de la belle musique, bref, je m'amuse. Et puis, passé le premier ravitaillement, je commence à me perdre : rien de grave, au total j'ai perdu 7 mn.. mais cela m'énerve : c'est tellement frustrant de gaspiller du temps et de l'énergie pour rien !
Une image du profil, pour plus de clarté 
Je mange régulièrement et je fais le constat que, niveau nourriture, je ne suis pas forcément encore très au point : j'ai prévu beaucoup trop de nourriture à mes postes d'assistance et je me pose pas ma de questions sur les quantités à ingérer : j'ai bon appétit, ce qui est une première pour moi sur un ultra, mais du coup, je crains de trop manger ! Je bois peu, car il fait froid. Le vent souffle fort, il pleut un petit peu.
Après Teror, je constate que je suis très en avance sur l'an dernier, puisque je vais faire toute la montée suivante, qui est superbe au lever du jour, de nuit. J'en profite pour me perdre encore un petit peu..
Au lever du jour, je rattrape plusieurs coureurs. Cela faisait plusieurs heures que j'était seule et je commençais à m'endormir un peu. Du coup, cela me rebooste, d'autant plus qu'un coureur me colle dans la belle et longue descente vers Tejeda que, imprudemment, je fais donc à bloc, tout en constatant avec joie que le brouillard se lève et que Roque Nublo est tout illuminé de soleil. Je me réjouis donc d'aborder la montée vers les sommets ! Cette montée est plus longue que dans mes souvenirs, mais elle est très belle, donc elle passe relativement bien. On fait une petite boucle vers Roque Nublo, puis on redescend en direction de Garanon. A l'attaque de la descente, je constate que mes muscles commencent à accuser le coup : de fait, j'ai mal un peu partout, des mollets aux épaules en passant par les quadriceps et les abdos ! Il reste encore 50 km, ce qui n'est pas rien !! Arrivée à Garanon, je me déleste enfin de ma grosse frontale Ferei (qui entre nous soit dit à tenu toute la nuit, à pleine puissance dans les descentes !!), ça fait du bien. Je bois un coup, change mon bandeau pour une casquette et des lunettes, puis repars rapidement : je souhaite creuser l'écart avant le départ du marathon car je crains de me faire dépasser par des hordes de coureurs.
Après une courte et raide montée, je constate, dans le début assez raide de la descente que j'ai du mal à descendre : je m'inquiète un peu, car la descente est longue, et dans l'état où sont mes jambes, je crains de ne pas arriver en bas ! Je prends une minute pour m'asseoir et me masser un peu. En repartant, les choses s'améliorent progressivement et j'arrive à faire une descente convenable, même si je réalise que les sections raides et pavées achèvent de me massacrer les muscles. Je commence aussi à avoir du mal à tenir mes bâtons sans éprouver de douleurs au dos et aux épaules. A Tunte, je fais le plein d'eau, et repars. J'ai un petit coup de mou au début de la montée : rien de grave, mais je constate que je marche là où, deux heures auparavant, j'aurais encore couru. Je me fais doubler par Thibault Baronian, premier coureur du marathon : sa foulée légère et aérienne me fait rêver, moi qui commence à me transformer en hippopotame pataud. Je remets ma musique, que j'avais cessé d'écouter depuis Garanon et, tout de suite, je me sens mieux. Je ne vais pas plus vite, mais je m'en aperçois moins :-)
Après un petit col, on emprunte un très long single en direction de Agayaures. Ce sentier à flanc de colline est superbe et, malgré la fatigue, je me fais extraordinairement plaisir. 
Arrivée à Agayaures (photo IrunFar) Foulée quelque peu rasante :-)
 A Agayaurès, dernier point d'assistance, je bois un peu, récupère 1/2 l d'eau, et entame au petit (vraiment petit) trot, la dernière montée de la course. Arrivée au col, le panneau qui indique l'arrivée à 15 km me déprime un peu : je pensais être à 12-13 km de l'arrivée. Je fais le calcul que, à 10 km/h, il me reste donc 1 h 30 de course ! Ouah ! Là j'ai vraiment mal partout !! J'essaie de me mettre dans une sorte d'état méditatif, d'oublier le temps ou les km et de me concentrer sur ma musique et les beautés de la nature. Ca marche par moments, mais pas tout le temps. Après une brève  descente caillouteuse, on arrive bientôt dans un lit de rivière asséchée, avec des gros galets irréguliers : le bonheur pour mes muscles déjà au bout du rouleau. Du coup, les chevilles sont moins souples que d'habitude et je sens qu'elles commencent à souffrir. Après 5 ou 6 km dans de telles conditions, c'est le bonheur de trouver enfin une piste damée. A 5 km de l'arrivée, à ma grande surprise, je vomis soudainement un petit coup, comme ça, de manière complètement inattendue! Du coup, j'ai soudain une grosse baisse de moral, car j'ai tellement mal partout que l'idée de courir encore 30 mn m'est insupportable! J'ai envie de m'asseoir, ou au moins de marcher un peu! Je verse même une petite larme, dans un grand moment d'auto-apitoiement. Ce moment passé, je continue à courir dans une sorte d'état second, tout en commençant à me faire régulièrement doubler par les marathoniens. Et puis soudain, enfin, l'arrivée est en vue ! Tout à ma souffrance, j'ai du mal à être contente, à réaliser que je suis en train de gagner la Transgrancanaria ! En franchissant la ligne, je suis un peu ahurie et tellement soulagée qu'enfin je n'aie plus à courir! 
La joie d'avoir gagné et surtout réalisé un très bon temps (15h23) vient ensuite. Pour finir, je voudrais vous remercier, vous qui me suivez sur Facebook, vous qui avez souvent de très gentils mots pour moi, dans mes réussites comme pour mes échecs.. Vous m'avez donné la force de finir cette course, merci!!

Photo Ian Corless. La joie de finir!